Parfois, les matins rongés par le manque de temps deviennent indigestes alors que d’autres, lumineux comme ceux du printemps, lorsque les sillons blanchâtres des avions ont strié le ciel et que le soleil fait éclore les fleurs d’acacia, ont le goût des instants volés. Ce goût de liberté pure, cette impression de pouvoir planer. Ecrire c’est ça pour moi, vivre ne serait-ce qu’un instant cet élan qui m’anime dès le matin, qui me rend plus forte et plus indépendante. Je m’assois à la terrasse d’un café, ou sur le coin d’une table et j’écris.
Laisser venir ce qui vient, écouter sans juger ou formater, écrire ce premier souffle du jour. Ensuite viendra le plongeon en apnée dans le projet sur lequel je travaille, comme dans une mer froide de début de printemps, me dévêtir et sans réfléchir même une seconde, sauter en fermant les yeux. Les premiers mètres me font suffoquer, je suis comme aveugle et sourde à mon environnement puis mes muscles se réchauffent et peu à peu je perçois toutes les couleurs des profondeurs, les reliefs, les recoins cachés d’où pourraient surgir les inconnus de l’écriture.
« La vie » – écrit Laurence Tardieu – « c’est un peu comme l’écriture, on ne trouve jamais ce qu’on cherche, on trouve autre chose et c’est cette autre chose, surprenante, mystérieuse, troublante, qui en fait la beauté. »
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