Ce matin, le ciel a perdu toute texture, on ne sait ni où il commence ni où il s’arrête. Les mâts des bateaux ne vibrent plus dans le vent, tout est tellement immobile que j’en ai la chair de poule. Heureusement au loin je perçois le cri d’une mouette qui traverse la baie de Lillebælt.
Les dormeurs des camping-cars enroulent leurs câbles électriques, s’emmitouflent dans leurs pulls, rassemblent tables, chaises et restes de petit-déjeuner. Un thermos de café brûlant ne sera pas superflu aujourd’hui. Vont-ils à présent reprendre la route ? Je les laisse derrière moi pour rejoindre la plage du phare, là où ce matin tôt j’ai été de nouveau surprise par le souffle court et bruyant d’un marsouin. Les grosses baies d’églantier rouge carmin recouvrent les arbustes le long de la promenade, j’en cueille une et goûte la chair orangée collée entre une fine peau et des graines blanches entourées de poils.
Mon regard s’évade de l’autre côté de la baie, vers la ville de Fredericia. Je suis seule, pas un bruit de pas. Sur la coque d’un voilier, cette phrase presque effacée, jadis peinte en bleu, mais la couleur oscille à présent entre le gris et le noir, « si tu ne peux pas aller plus loin, continue de marcher ». Je m’arrête. Je la lis de nouveau mais à haute voix cette fois-ci. « Si tu ne peux pas aller plus loin, continue de marcher ».
Etre en transition. Ces univers qui m’entourent et me façonnent, se frottent, se caressent mais se distinguent nettement aussi. Continuer d’avancer. Parce que, parfois, tandis que tout semble posé, organisé, la vie en décide autrement. Sans doute nous appelle-t-elle vers ce qui fait plus de sens. Savoir s’écouter. Tout un apprentissage !
Au loin, sur le pont de près de deux kilomètres qui enjambe la mer, les voitures ressemblent à des fourmis les unes derrière les autres, rapides, en perpétuel mouvement. Elles ne se posent pas de question, elles avancent.
Les parfums de cannelle, de poivre et de cardamome s’échappent de ma tasse fumante.
J’aime beaucoup ce petit texte. Je suis souvent attaché à la force des incipits, et ces quelques mots « ce matin le ciel a perdu toute texture » sont je trouve très inspirants.
Les lettres qui s’effacent ne peuvent laisser indifférents ceux pour qui l’écriture occupe une place de choix…
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