Longtemps, les femmes ont dû choisir d’être mère ou artiste. Je suis partagée entre mes questionnements d’auteur (qu’est-ce qu’être reconnu, qu’est-ce que créer, qu’est-ce que publier) et ma position de mère dédiée à ses enfants et nourrie de cette relation puissante, chaque jour renouvelée. Aujourd’hui, je crois pouvoir dire que durant ces derniers neuf mois j’ai appris de mes engagements de femme, de mère et d’auteur plus que ces dernières années. Cette distance que la maternité m’a offerte, ce regard en retrait, je le bénis chaque jour. J’ai la sensation d’avoir gravi une montagne et plantée debout sur sa cime je regarde la vallée en bas, emmêlée de brume et de verdure. Mon regard est vaste, je vois à 360°.
Est-ce une prise de conscience proche de celle que l’on peut avoir à l’idée de sa propre mort ? Se demander ce qui compte véritablement. Mon rôle est de préserver l’existence de cet enfant en moi et de le porter jusqu’au bout. Cet être vit sa propre vie, il se nourrit, il bouge, il dort, il me laisse faire la mienne et en même temps il me happe et m’extrait de ma quotidienneté. Est-ce que tout ceci m’a traversé l’esprit lorsque j’ai réalisé que j’étais enceinte, il y a neuf mois ?
Une chose est claire : je n’accompagne pas mes livres comme j’accompagne mes enfants. Je mets en valeur l’acte créateur et non l’œuvre créée. Une fois le livre abouti, je le délaisse, vit-il déjà sa propre vie ? Mes enfants, eux, je les accompagnerai jusqu’à la mort.
Aujourd’hui, si proche de ta naissance, je me sens comme sur le quai d’un port. Je regarde la mer, immense, sans aucun sillon et j’attends le navire qui m’emportera. Le ciel est bas on ne sait pas ce qu’il cache là-haut. Une valise le long de mon genou droit, petite, de quoi tenir deux nuits et c’est tout. Lorsque les vagues me ramèneront, nous serons deux. Tu seras lovée au creux de mon être, contre mon sein.
Je regarde la mer et j’attends le grand départ.
Magnifique Aude! Bon voyage !!!
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