Journal de confinement – jour 1

J’ai marché toute la nuit dans le parc Duden. J’y ai croisé les personnages de mes dernières lectures. Je les ai vus comme j’ai vu les ombres des arbres immenses occuper à chercher la lumière de tous leurs doigts noueux. Je voudrais m’assoir et dans les lueurs du lever de jour les convier à un grand rassemblement au creux d’une clairière. Evoquer leurs vies, leurs cris.

Mais, des gazouillements proviennent de la chambre de mon bébé. Elle se réveille et m’appelle de sa turbulette en laine. Comment m’isoler pour écrire avec des enfants à la maison ? Comment me reconnecter à un temps hors du temps, à un espace propice à la création ? Il me serait trop facile de simplement baisser les bras, d’accepter de mettre l’écriture en pause. Wadji Mouawad souligne, dans son journal, l’importance des mots partagés. Oui, ne serait-ce que lire un poème, depuis sa fenêtre, à ses voisins de l’autre côté de la rue. Face à mon bureau, un jardin et des tags qui colorent tout le mur d’enceinte. Je pourrais descendre et y peindre ce poème glané au hasard de ma bibliothèque :

« Tenir bien droit le dos la

tête comme un antidote au

désordre envahissant les plis

du corps de la cuisine et du

bureau et maintenant le jour

se lève une rose dépasse

bergeronnette chante debout »

Albane Gellé, Si je suis de ce monde. 

Un passant ganté, un masque collé sur la bouche, s’arrêterait pour le lire. Peut-être pas. Hier une dernière fois humer l’odeur du papier dans les rayons d’une librairie. Je me suis offert les pages qui m’aideront, peut-être, à survivre aux prochaines semaines. A demain.

6 commentaires sur “Journal de confinement – jour 1

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  1. Bonjour ! J’ai vu aussi cette belle idée, et je me lance avec plaisir dans cette écriture partagée !

    Jour 1 (le jour 3 en réalité) :
    J’ai marché toute la nuit à tenter de rattraper cet homme qui m’est cher et qui, volontairement, tentait de me semer. Il mettait de la distance entre nous en marchant vite, puis entrait dans un métro blindé de monde, dans une station plongée dans l’obscurité, et, comme pour s’y dissimuler, se glissait sur un siège caché par les passagers entassés debout. Après avoir couru « au ralenti » comme dans les cauchemars et m’être faufilée de justesse entre les portes qui se refermaient, je finissais par l’apercevoir de dos. Et plus tard, dans cette nuit qui n’en finissait pas, il me semait à nouveau en disparaissant dans une foule inconnue, sur les rives d’un fleuve. Mes lectures variées d’ouvrages sur les rêves pourraient m’inciter à penser que, peut-être, cet homme représente mon animus, cette partie un peu plus ‘yang’ de moi-même qui, ces derniers mois, s’était mise en action et avait – enfin – pris le taureau de la procrastination par les cornes, rangé au placard son complexe de l’imposteur, et provoqué quelques chamboulements salvateurs.
    Et tout à coup, l’élan pourrait s’interrompre, et le côté ‘yin’ pourrait bien avoir à gérer un cocon et le préserver : car comment continuer à rendre studieusement des devoirs pour la fac quand on a deux collégiens à la maison ? Que le !** »@[&** e-lyco affiche sa sempiternelle « erreur 504 » ? Que l’ado récalcitrant à la géologie et aux fractions se met à vomir soudainement ? Que la panique monte et que – après avoir fermement décidé de rester loin de cette mayonnaise virale derrière nos écrans – on se retrouve en train de vérifier s’il s’agit d’un symptôme alors que, habituellement, on aurait pensé à une gastro ou même juste une indigestion ?
    Les journées ne ressemblent en rien à d’autres déjà vécues, les angoisses maternelles se dissipent quand le rose des joues revient et que la main du jeune héritier cherche de nouveau le graal de son téléphone portable, une brillante et attentionnée prof de fac lance un cours de traduction en visio-conférence, un gymnaste en herbe s’entraine au salto avant sur des matelas. Ce soir je décide que j’appellerai chaque jour une amie (et peut-être les amis garçons, on verra). Et que – coûte que coûte – je continuerai à écrire. Des bêtises pour garder le sourire, des haïkus peut-être, des petits mots à celles et ceux que j’aime, et évidemment mes devoirs d’allemand et d’anglais en retard : ) A demain !(c’est l’heure de faire des rêves plus agréables)

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  2. J’ai marché toute la nuit dans ma tête, j’ai dégourdi mes oreilles sur l’oreiller et j’ai fermé mes yeux à la télé.
    J’ai marché toute la nuit dans le vide, funambule acrobate j’ai dérouillé mes pattes et refermé mon lit sur mon corps rabougri.
    J’ai marché toute la nuit dans la lune et je dis bien dans la lune car vous en conviendrez marcher sur la lune, ça, c’est impossible… du moins pour moi, pour moi qui marche de long en large dans ma chambre et qui ne sais ni où je vais ni qui je croise

    Aimé par 3 personnes

  3. Annie JOUR 1
    J’ai marché toute la nuit dans le parc qui borde la pénétrante sud, à la recherche d’une réunion officielle ayant pour objet la mise à disposition d’un nouveau lieu pour l’art contemporain. Le chemin bordé de jonquilles jaunes mêlées à des violettes éclaire ma marche solitaire… je monte sur une petite colline et regarde aux alentours : où est donc cette réunion ?
    Je trouve l’endroit mais pas l’entrée, je demande, personne n’est au courant.
    Cette rencontre va être difficile, le lieu appartient à la ville mais celle ci ne veut pas départager les différents projets artistiques qui souhaitent s’y installer et je vais avoir à faire avec un collectif de plasticiens nombreux, et moi toute seule pour la danse.
    J’angoisse, la nuit devient plus sombre, je tourne autour du bâtiment éteint… quand soudain une porte s’ouvre, la lumière jaillit, ils sont tous ensemble et forment un groupe compact, je ne peux entrer… et, trop tard, la réunion est finie !
    Je me réveille, c’est vrai je suis en retraite depuis une semaine !

    Je ferme les yeux et retourne dans le parc, je regarde une petite fille qui se promène avec sa grand-mère, elle monte sur une petite colline et dit d’une petite voix : « je suis le maître du monde ! », je me rendors.

    Aimé par 2 personnes

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