Etre à sa place

Depuis quelques années, lorsque j’anime mes résidences d’écriture, ici, à Bruxelles, ou à l’étranger, une phrase me traverse. Alors que les participants devant moi sont plongés dans leurs claviers ou leurs carnets de notes, je formule ces cinq mots dans mon for intérieur : je suis à ma place.

Ici, je suis à ma juste place.

Parfois, aussi, il m’est arrivé de le dire à haute-voix, je me souviens, c’était en Crète, à Loutro, dans la salle-à-manger qui se transforme en salle d’écriture, devant la mer, donnant sur la terrasse et le plein ciel. Je leur ai dit « lorsque je suis ici avec vous, je réalise la chance incroyable que j’ai de faire ce métier, je me sens à ma place ». Ils étaient face à la lumière aveuglante de ce début de printemps, j’étais dos à la mer et j’entendais le bruissement des vagues qui se fracassaient sur les rochers en contre-bas. Un peu plus loin, derrière moi, à une centaine de mètres du port, sous l’hôtel qui nous hébergeait, un petit îlot de roche accueillait une chèvre. Une chèvre têtue et blanche dont j’ai oublié le nom et qu’un des habitants du village, au début de la saison touristique, déposait sur son rocher. Elle ne sait nager et ne pouvait, par conséquent, rejoindre la terre ferme mais je la voyais sautiller dans l’aube alors que je me levais pour me glisser dans l’eau glacée avant notre session d’écriture. Exilée de par son attitude désinvolte par rapport aux touristes, elle siégeait sur cette île, tout l’été. 

Trouver sa place prend plus de temps qu’une saison d’été. Pour moi, l’écriture, comme tout art, questionne chaque jour cette place que l’on occupe et à laquelle on s’identifie.

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