Écriture
Journal De Confinement Jour 1
J'ai marché toute la nuit dans le parc Duden. J'y ai croisé les personnages de mes dernières lectures. Je les ai vus comme j'ai vu les ombres des arbres immenses occuper à chercher la lumière de tous ...
J'ai marché toute la nuit dans le parc Duden. J'y ai croisé les personnages de mes dernières lectures. Je les ai vus comme j'ai vu les ombres des arbres immenses occuper à chercher la lumière de tous leurs doigts noueux. Je voudrais m'assoir et dans les lueurs du lever de jour les convier à un grand rassemblement au creux d'une clairière. Evoquer leurs vies, leurs cris. Mais, des gazouillements proviennent de la chambre de mon bébé. Elle se réveille et m'appelle de sa turbulette en laine. Comment m'isoler pour écrire avec des enfants à la maison ? Comment me reconnecter à un temps hors du temps, à un espace propice à la création ? Il me serait trop facile de simplement baisser les bras, d'accepter de mettre l'écriture en pause. Wadji Mouawad souligne, dans son journal, l'importance des mots partagés. Oui, ne serait-ce que lire un poème, depuis sa fenêtre, à ses voisins de l'autre côté de la rue. Face à mon bureau, un jardin et des tags qui colorent tout le mur d'enceinte. Je pourrais descendre et y peindre ce poème glané au hasard de ma bibliothèque : « Tenir bien droit le dos la tête comme un antidote au désordre envahissant les plis du corps de la cuisine et du bureau et maintenant le jour se lève une rose dépasse bergeronnette chante debout » Albane Gellé, Si je suis de ce monde. Un passant ganté, un masque collé sur la bouche, s'arrêterait pour le lire. Peut-être pas. Hier une dernière fois humer l'odeur du papier dans les rayons d'une librairie. Je me suis offert les pages qui m'aideront, peut-être, à survivre aux prochaines semaines. A demain.