Aude Lafait
Écriture

Journal De Confinement Jour 2

Un verre de thé Lapacho à côté de moi pour booster mon immunité, un rayon de soleil m'éblouissant et dans mon dos, le souffle de l'enfant qui dort. Dans la rue, silence. Dans ma tête, silence. Ce sile...
Un verre de thé Lapacho à côté de moi pour booster mon immunité, un rayon de soleil m'éblouissant et dans mon dos, le souffle de l'enfant qui dort. Dans la rue, silence. Dans ma tête, silence. Ce silence me fait du bien, il régénère, il adoucit. Il me reconnecte à l'essentiel, me sort de cette idée de chaos, me permet de m'ouvrir aux autres. Chaque soir au moment du coucher, ma fille dans les bras, je souhaite bonne nuit aux oiseaux du dehors, aux plantes de la maison, aux membres de la famille, ici autour de nous mais aussi ailleurs, éparpillés dans différents pays, aux morts aussi, à ceux que j'aurais aimé qu'elle connaisse, avant sa naissance. Nous saluons aussi ceux qui sont malades, du Covid 19 ou d'autres maladies, nous espérons que la nuit adoucira leurs douleurs. Hier soir, avant le coucher, nous avons ajouté une nouvelle tradition, celle des applaudissements depuis notre fenêtre en hommage au personnel hospitalier et aux praticiens de santé. Toute la famille, les mains levées, le regard vers les fenêtres alentour, a applaudi longtemps. Le cÅ“ur soulevé, je n'ai pu m'empêcher de crier « bravo » plusieurs fois, fort, mais bientôt des sanglots ont bloqué ma voix. Les applaudissements des immeubles alentour se sont mêlés aux nôtres, comme des bourdonnements de ruches dans la campagne endormie. Se sentir, pour quelques minutes, faire partie d'un ensemble plus grand, d'un peuple. Des « à demain » ont fusé et j'ai refermé la fenêtre avec regret, comme si, là , dans ce courant d'air face à la ville, nous pouvions injecter des forces à tous ceux qui accueillent chaque jour ceux dont les poumons n'arrivent plus à respirer. Wajdi Mouawad évoque dans son Jour 2 l'érable du Japon devant sa fenêtre. Moi je pense aux immenses hêtres du parc Duden dont la vigueur ce matin me manque. Ils constituent un autre de nos poumons dans cette grande ville. Ici en Belgique le confinement n'est pas encore total, comme en France ou ailleurs, mais j'ai tout de même décidé de bannir nos sorties au bois, avec regret là aussi, parce qu'hier, vu l'affluence, nous ne pouvions plus y assurer la distance sociale entre nous. Si je me hisse un peu sur ma chaise, dans le jardin de la Villa Dewin face à moi, j'aperçois un arbre en fleurs, quel est-il ? En un regard, ouvrir mon espace et me reconnecter avec plus grand que moi. Au hasard de ma bibliothèque ce matin, mes doigts touchent Dans la forêt de l'Américaine Jean Hegland. C'est O. qui m'avait offert ce livre pour mon anniversaire l'année dernière. Est-ce qu'aujourd'hui nous ne vivons pas une situation qui s'apparente à celle de Eva et Nell confinées dans leur forêt loin de tout ? Proposition d'écriture : Au hasard, encore, j'ouvre à la page 185 et je tombe sur cette phrase à partir de laquelle je vous propose d'écrire. " Et enfin, pendant que l'eau chauffait, l'histoire est sortie d'elle comme des jets de vomi ". Si vous en avez envie, vous pouvez changer le « elle » en « moi » et mettre le verbe au présent. L'idée, c'est d'écrire, d'ouvrir la source des mots. A demain.