Aude Lafait
Écriture

Journal De Confinement Jour 8

Je me lève tôt et j'embrasse la petite qui rêve, les deux grands à l'étage supérieur et mon homme endormi. Le jour se faufile dans les rues, les abribus. Il fait bon dehors, le printemps est là . J'aj...
Je me lève tôt et j'embrasse la petite qui rêve, les deux grands à l'étage supérieur et mon homme endormi. Le jour se faufile dans les rues, les abribus. Il fait bon dehors, le printemps est là . J'ajuste mon sac à dos sur mes épaules, trois fois rien, l'essentiel. Un tram fantôme passe, je suis seule à monter, un parfum de croissant chaud se dégage des sièges usés. Je cherche du regard un sachet de boulangerie oublié. Rien. A la gare centrale, un unique train qui part pour la côte. Après ce sera le vide pendant plusieurs semaines, c'est maintenant ou jamais. Mais est-ce que je pourrai ensuite rentrer chez moi? Il faut descendre profond en soi pour intégrer ce que nous vivons et accepter de lâcher le contrôle. Accepter de pleurer, tout le jour si on en a besoin, accepter de ne rien faire, plus rien, accepter le silence, accepter notre envie de devenir un morceau du mur, un verre oublié sous le canapé. Je somnole pendant tout le trajet, la tête lourde dodelinant de haut en bas dans les rayons du soleil. Un train pour moi toute seule, aucun annonce sonore ni bruit de pas, absence de contrôleur. Qui conduit ce train ? La vitre est sale, je perçois entre deux somnolences les traces que les gouttes de pluie des dernières semaines ont laissé sur le verre. Lorsque je réalise que j'ai oublié mon sac, je suis déjà sur le quai. Je me retourne, le wagon a disparu. Plus de papier d'identité, ni de carte de crédit, juste un billet de vingt euros glissé dans la poche de mon jean. Que me reste-t-il ? La vie. Je suis en vie. Je respire. Je pleure, j'ai faim, j'ai des souvenirs plein la tête. J'arrive sur la plage, elle est beaucoup plus longue que la dernière fois. Il n'y a que des chiens, errants ? Les nuages ronds et dodus, comme des bouffées épaisses tirées d'une pipe.   Proposition d'écriture : J'aime les trains, pour écrire, pour dormir, pour observer les gens, voir défiler à toute vitesse le paysage. Tout s'efface, se recrée, un lieu où l'on peut s'oublier. Et vous ? Et si vous écriviez à partir de cette idée « un train pour moi seul(e) » ?