Écriture
Journal De Confinement Jour 13
Je la regarde, de loin puis de plus près et j'essaye de comprendre. Qui sont ces jeunes ? Cette photo je l'ai achetée dans une exposition à Paris, l'année dernière sans doute, avant mon accouchement, ...
Je la regarde, de loin puis de plus près et j'essaye de comprendre. Qui sont ces jeunes ? Cette photo je l'ai achetée dans une exposition à Paris, l'année dernière sans doute, avant mon accouchement, alors que, le ventre tendu, à peine revenue de notre long séjour danois, je déambulais dans les rues de ma ville natale pour me réapproprier ses sensations oubliées. Cette photo noir et blanc, je l'ai placée le long de la vitre qui donne sur la rue. Avec le temps elle s'est quelque peu gondolée, formant un arrondi contre la peinture grise du châssis. Je me suis réfugiée derrière l'ombre du rideau pour conserver un peu d'obscurité à cette heure de la sieste matinale. Les portes qui me séparent de la chambre sont vitrées et la lumière envahit l'autre pièce. Le soleil chauffe mes mains que je viens d'enduire de crème, elles sont si sèches à force d'être lavées et relavées. Imprimant les feuilles d'exercices des enfants, j'ai rangé mon bureau. Il était jonché de papiers administratifs à trier, de factures à payer, de carnets de notes, d'ouvrages lus et ouverts à une page annotée, de livres à lire en attente sur une pile dont la hauteur me réjouit heureusement encore. Un casque audio, un calendrier, une lampe de poche, des boucles d'oreilles en origami offertes par ma petite sÅ“ur. Mon bureau, lorsque je le regarde comme ce matin, rangé, propre et inondé de soleil, je me dis qu'il ressemble à un radeau. J'ouvre la fenêtre, je débranche la prise de l'alimentation de l'ordinateur et à présent sans plus d'attache, nous partons. Lui et moi. Il me rappelle cet album jeunesse de Claude Ponti, La tempête. Cette histoire pourrait être une métaphore de ce que nous vivons actuellement. La tempête arrache la maison, la famille se retrouve sur le lit de la petite qui devient bateau et qui navigue. Les mots du journal de Wajdi Mouawad se joignent à cette image « nous ne formons qu'une seule et même tribu ». Oui, face à cette épidémie-tempête, sur notre lit-terre. Ce matin, j'accueille le soleil, le nid de l'oiseau au sommet de l'arbre en face, les bourgeons qui pointent, les pensées de ceux que j'aime. Propositions d'écriture : Regardez cette photo de Danny Lyon et entrez dans une histoire, qui pourrait, peut-être, commencer ainsi « cela faisait trois ans qu'ils attendaient ce jour ».