La Pluie A Cesse Et Le Silence Est La
Je glisse la clé dans la serrure et en poussant mon vélo vers le couloir, le silence déjà me frappe. Je savais qu'il serait dense mais c'est encore plus étrange que je ne le pensais. Personne. Trois mois de confinement tous ensemble, les allées venues de chacun, les cris, les pas dans les escaliers, les pleurs, la musique, les sonneries de téléphone, les mélodies entêtantes des livres d'enfants. Et là , personne. Seule. Les deux grands chez des amis, la petite en intégration à la crèche et mon homme au bureau. Personne. Ce silence est à la fois douloureux et délicieux. Je me sens désemparée mais soulagée et heureuse. Je sais que ça ne va durer qu'une heure, maintenant à peine 41 minutes. Après rebelote, les milles pas de la famille autour de moi.
Ces derniers temps je n'en pouvais plus des enfants. Demain l'école reprend pour le primaire, il n'y aura que mon aînée du coup à la maison. Il y a dix jours sur la porte de mon bureau, j'ai installé cette feuille « Maman n'est pas disponible ». J'aurais tout aussi bien pu écrire, « Si vous entrez, je mords ». J'en étais là . Cette proximité et cet empêchement d'écrire, de créer, de mettre en place mes ateliers m'ont éreintée. Je suis une coquille vide dans le ressac des vagues.
En revenant de la crèche, dans la deuxième côte vers l'avenue Churchill je me suis offert une viennoiserie. C'était divin ce croissant, seule et la pluie qui avait cessé. Cette douceur sur la langue pour me dire merci à moi-même, merci d'avoir été la mère que j'ai réussi à être pendant ces derniers mois épuisants, pendant les crises et les frustrations, les pleurs, les manques. Je suis fière de moi, fière de toutes ces femmes que je connais et qui ont soutenu, jusqu'au bout d'elles-mêmes, leur famille dans ce déséquilibre permanent.
Je pense à elles.